Mais je n'ai compris que plus tard ce qu'était l'homosexualité. J'avais presque dix-sept ans et en me rendant de Guéret à Limoges avec ma mère, j'ai aperçu un livre en devanture dont le titre m'a bouleversé « L'Homosexualité en Allemagne ». Je l'ai acheté. On y parlait de familiers de Guillaume II qui avaient été proscrits de Ia cour lorsqu'on avait découvert leurs mœurs. J'ai tout compris à ce moment-là de la passion que j'avais connue à treize ans. C'était mon premier amour en quelque sorte. Cela reste dans ma vie comme un monument.
Dans cet extrait d’un entretien donné par Marcel Jouhandeau aux Nouvelles Littéraires, en novembre 1971, on prend pleinement conscience de la difficulté pour un homosexuel du début du XXe siècle pour comprendre la nature des sentiments qu’il ressentait et pouvoir mettre des mots dessus. Ce qu’il ne dit pas mais que l’on perçoit, c’est que son esprit en éveil était à la recherche de ces sources d’informations qui lui manquaient tant. Et c’est un livre dans une devanture, « dont le titre m'avait intrigué », qui a répondu à son attente. Il dit par ailleurs que le sens du mot « homosexualité » lui était étranger (Entretiens avec Élise et Marcel Jouhandeau, 1966).
Le livre dont parle Marcel Jouhandeau vient de rejoindre ma bibliothèque. Il s’agit de L’Homosexualité en Allemagne. Étude documentaire & anecdotique, par Henri de Weindel et F.-P. Fischer, paru le 6 février 1908, quelques semaines après le premier procès de l’affaire Harden-Eulenburg. Cette affaire dont les péripéties et les différents procès sont bien expliqués dans la notice Wikipédia (Affaire Harden-Eulenburg) concernait des accusations d’homosexualité à l’encontre d’une personnalité très proche de l’empereur Guillaume II, Philipp zu Eulenburg. Cette accusation, alors très grave dans un état qui condamnait les relations homosexuelles entre hommes au titre du paragraphe 175 du code pénal, était d’autant plus retentissante qu’elle affectait des proches de l’empereur et une « camarilla » qui l’entourait. Son impact en Allemagne n’est pas dans mon propos. En France, sur fond d’une germanophobie bien installée depuis la défaite de 1870, elle a contribué à asseoir ou renforcer dans les esprits que l’homosexualité était un « vice allemand » comme il avait pu être italien à une époque. Cette affaire a été très largement couverte par la presse de l’époque (article sur le traitement de l’affaire Eulenburg dans la presse française) et, comme il était d’usage alors, a donné lieu à de très nombreuses caricatures. John Grand-Carteret les a rassemblées dans un ouvrage paru en 1908 : L’Homosexualité en Allemagne, Derrière « Lui » (« Lui » étant évidemment l’empereur d’Allemagne). Dans le livre que je présente ici, moins connu et aujourd’hui plus difficile à trouver, le journaliste Henri de Weindel a choisi de traiter ce même sujet en évitant le côté goguenard et graveleux qui était alors de mise dans la presse. Cela nous vaut donc un ouvrage d’analyses et d’explications sur l’homosexualité masculine, d’autant plus précieux auprès du grand public qu’il n’y en avait pas d’autres à disposition, hormis la littérature médicale, plus confidentielle ou plus difficile d’accès.
Homosexualité !... C'était un mot nouveau pour les oreilles françaises, lorsque, en octobre 1907, il rebondit, lancé depuis les marches du trône allemand, jusque parmi les colonnes des gazettes, dans un grand tumulte de scandale.
Qu'est-ce donc que ces homosexuels, qui firent tant parler d'eux depuis cette époque et qui provoquèrent l’indignation de l’Europe entière et, aussi, de la vertueuse Amérique ?
Quelles sont exactement les mœurs de ces hommes, dont le pourcentage n'atteint pas à moins de 2,2 % de la masse de leurs concitoyens, et qui se livrent à la culture d’un sentiment, dont le nom, au moins, n’était guère répandu, en dehors des frontières allemandes, avant que l’affaire Harden éclatât ?
C’est pour répondre à cette question qu’Henri de Weindel publie ce livre, dont la table des matières montre qu’il souhaite l’aborder sous tous ses aspects. Il s’agit bien d’une « étude documentaire » comme l’annonce le sous-titre, on pourrait presque parler d’une étude scientifique.
Assez curieusement, dès le début de l’ouvrage, il introduit une distinction entre les homosexuels « sensuels » et « intellectuels » :
L'homosexualité, donc, d’après Krafft-Ebing et d’après maints autres docteurs germains qui se sont spécialisés dans cette question, n'implique pas obligatoirement des relations charnelles entre ceux qui se livrent à cette passion contre nature. Les homosexuels allemands se divisent ainsi en deux catégories bien distinctes : les sensuels, qui vont au commerce de la chair ; les intellectuels, qui se limitent, en l’accompagnant de caresses sans doute, mais point de caresses définitives, au contact de l'esprit et qui s’exaltent dans le sens du lyrisme.
Plus loin, il reprend cette distinction en d’autres termes, entre l’homosexuel militant (il dit aussi l’inverti sexuel) et l’homosexuel sentimental. Il faut entendre le mort « militant » dans le sens de « pratiquant ». Comme il le dit dans le texte ci-dessus, cette séparation en deux classes d’homosexuels masculins est propre à l’Allemagne. Il l’utilisera tout au long de l’ouvrage, tout en reconnaissant que l’homosexualité « sentimentale » lui paraît « mal compréhensible pour les cerveaux français ».
Dès le début de l’ouvrage, il place aussi son propos dans le cadre des actions pour l’abolition du paragraphe 175. Même s’il garde volontiers une distance vis-à-vis de son sujet, il apparaît assez clairement qu’il penche du côté des abolitionnistes, même s’il est plus motivé par des considérations pratiques que par une volonté de défense et de protection des homosexuels.
Un des intérêts majeurs de ce livre est de s’appuyer sur les études statistiques menées en Allemagne pour décrire plus précisément le niveau de l’homosexualité masculine dans la société. Il y consacre un chapitre entier, le chapitre IV, « Un peu de statistique ». Il utilise les travaux du Comité scientifique humanitaire de Magnus Hirschfeld (Wissenschaftlich-humanitäre Komitee) à qui il rend, dans une certaine mesure, hommage pour son travail de statisticien et ses actions en faveur de l’abolition du paragraphe 175.
Comme on le constate, les catégories de populations choisies peuvent paraître aujourd’hui curieuses. Mais elles mettent en évidence que l’homosexualité n’est propre à aucune classe sociale, ni à aucune activité particulière. Un tel tableau vu par un jeune homosexuel en recherche d’informations sur ce qu’il vit lui permet de constater qu’il n’est pas une exception, quelle que soit la catégorie à laquelle il appartient, même s’il doit comprendre qu’il est membre d’une minorité. Reconnaissons que partager une telle statistique au grand public, en 1907, est méritoire. Malheureusement en France, il n’y a pas, à ma connaissance, de statistiques contemporaines de la même précision ou, s’il en existait, elles n’étaient pas partagées avec le public.
Ce livre est très riche sur la vie homosexuelle en Allemagne. Même si, parfois, apparaissent des formulations qui trahissent des jugements de valeurs (« les anormaux », « l’état morbide des homosexuels », « la conviction que leur anormalité est normale apparaît telle chez ces exaltés »), le ton général choisi par l’auteur est une forme de distance scientifique à l’égard de son sujet. Cela lui permet donc d’aborder tous les aspects de la vie homosexuelle, soit en ce qu’elle peut avoir de commune à tous les pays, soit en ce qu’elle peut avoir de propre à l’Allemagne du début du siècle. Sur ce dernier point, au fil de la lecture, dans le chapitre sur la prostitution, l’usage de certains prostitués de se travestir en femmes pour exercer leur « commerce » , les annonces dans la presse, dont il reproduit quelques exemples, les couples réguliers, les noms savoureux que l’on donne aux prostitués militaires selon leur spécialité (Ulanenjuste : Augusta, des Uhlans ; Dragonerbraut : la fiancée des Dragons ; Kürassieranna : Anna, des Cuirassiers ; Kanoniersche : l’« Artilleuse » ; Schiesschulsche : celle de l’École de Tir, etc.) apparaissent plus particulièrement propres à l’Allemagne selon Weindel.
Parmi les apports de ce livre, un des plus importants est de faire un sort à un préjugé communément admis à l’époque qui était de cantonner l’homosexualité à certains métiers ou à certaines classes sociales, souvent en y associant un jugement de valeur. Pour donner un exemple de préjugé : l’homosexualité est répandue chez les aristocrates « des races épuisées dans leur sang et parvenues à un maximum de culture intellectuelle. » Au passage, remarquons que ce type de commentaires a fleuri au moment de l’affaire Fersen en France. Le savoureux témoignage du prêtre de campagne bat en brèche ces idées préconçues :
« J'ai confessé, écrit-il, des milliers de gens, enfants et vieillards, hommes et femmes, paysans et citadins, aristocrates et plébéiens, et je puis certifier ceci, en pleine connaissance des faits de la cause, c’est qu'il existe un phénomène que nous devons considérer comme un fait acquis, à savoir que l'amour charnel n'est pas lié exclusivement à la fréquentation du sexe opposé.
« Dans quelle classe de la société ai-je rencontré le plus d’homosexuels ? Je ne saurais jamais le dire. Je n’ai trouvé entre les puissants et les humbles, entre les hommes des villes et les hommes des champs, entre les riches et les pauvres, aucune différence appréciable à cet égard. Si on me demande encore lequel, du penchant normal ou du penchant homosexuel, pousse, le plus impérieusement, à l'action sensuelle, je devrai répondre, à mon vif regret, que c’est au penchant homosexuel, que l'individu a le plus de peine à résister.
« Voici, du reste, quelques exemples que les pénitents, m'ayant fait confession des faits que vous allez lire, m'ont autorisé à citer :
[Un jeune homme de vingt ans qui a des relations avec un autre homme habitant la même maison]
« — Quelquefois [j’ai essayé de résister], surtout au début, mais il ne cède pas. Il dit que sous la menace de la guillotine ou de la potence, il viendrait quand même vers moi. Et il se traîne à mes genoux, et il me supplie, les mains jointes, et... je ne sais plus lui résister. »
« Le deuxième cas que je désire citer, concerne un paysan âgé. Il est marié et père de plusieurs enfants. Peut-être ne dédaigne-t-il pas assez les appels de l'alcool, mais en dehors de ce défaut, c’est un homme très honnête, très loyal et très droit.
[…]
« — Le sexe féminin ne vous tenta donc pas ?
« — Aucunement… Jamais il ne m'a tenté.
Si ce livre aide à réviser quelques idées préconçues sur l’homosexualité masculine, il adhère cependant à la conception largement partagée à l’époque que l’homosexuel est en réalité une femme, comme H. de Weindel l’avance de manière assez catégorique dans le chapitre « Galerie d’ancêtres » : les homosexuels « sont tout à fait des femmes si l’on ne considère que leurs sentiments, leurs aspirations et jusqu’à leurs manières. » Il termine d’ailleurs le chapitre par « C’est une âme féminine dans un corps masculin. » Reconnaissons que cette manière de voir a longtemps perduré. Pour revenir sur un message précédent, Proust fait de la théorie des « hommes-femmes » le pivot de sa description de l’inversion dans la Recherche.
Il y a chez Weindel un goût pour les catégorisations – on pourrait parler de taxinomie – qui, avec notre regard d’aujourd’hui, peuvent paraître simplistes, voire simplificatrices à outrance. La distinction entre les homosexualités matérielle (ou militante, ou pratiquante) et intellectuelle (ou sentimentale) en est un bon exemple. Cette démarche d’analyse montre cependant un désir sincère de comprendre et ensuite d’expliquer et exposer. Elle lui permet de présenter quelques personnalités d’homosexuels dans la « galerie d’ancêtres ». Les principaux sont Platen, Winckelmann et Louis II, qu’il considère, à l’instar de Platen, comme « la figure la plus caractéristique » de sa galerie, entre autres parce qu’il allie en lui les deux « manifestations » qui lui servent de fil rouge dans son portrait de l’homosexuel allemand : « l’homosexualité matérielle et l’homosexualité sentimentale ». Cette démarche d’analyse lui évite le risque des discours vagues ou généraux qui ne font que masquer la diversité et la richesse du monde homosexuel. Appliquée à la littérature, elle lui permet d’introduire son chapitre sur la « Littérature homosexuelle » :
On peut la classer, tout de suite, en trois grandes catégories : la littérature — généralement médicale ou juridique, — qui traite des faits d’homosexualité ; la littérature comportant des allusions à l'homosexualité ou des épisodes homosexuels ; la littérature purement homosexuelle, basée, dans son imagination, sur des faits d'homosexualité, et due, en majeure partie, à des homosexuels.
Ce livre se veut aussi une analyse de l’impact de l’affaire Eulenburg sur l’image de l’homosexualité en Allemagne et sur les actions des différents comités, et plus particulièrement sur celui d’Hirschfeld, pour l’abolition du paragraphe 175. Il semble conclure que cette affaire, plutôt que favoriser une prise de conscience, a eu l’effet inverse sur le jugement des Allemands, comme le souligne le dernier paragraphe du livre. H. de Weindel se montre même sévère avec les erreurs de Hirschfeld lors de son témoignage au procès de Moltke ou avec les « excès » des suiveurs de Hirschfeld (il cite Adolf Brand). Il semble convaincu qu’il faut abolir le paragraphe 175. Tout son livre va dans ce sens. Il semble admettre que l’homosexualité existe, partout et dans toutes les classes de la société. En revanche, on le sent réticent, et parfois hostile, selon les passages, à une vision de l’homosexualité qui serait non plus vue comme quelque chose d’anormal, mais seulement comme une variante des conduites amoureuses et sexuelles. Le chemin est peut-être trop difficile, trop long et trop loin de ce que la société acceptait d’entendre. C’est aussi ce qui rend ce livre attachant – je l'ai lu avec passion cet été – , c’est qu’il est toujours sur le fil du rasoir, pouvant d’un côté tomber dans une dénonciation virulente de l’homosexualité ou, d'un autre côté, promouvoir une vision apaisée. Le temps viendra bien plus tard pour cela.
La parution du livre est annoncée par des encarts comme celui-ci publié dans Le Rire, du 15 février 1908.
Cela démontre, une fois de plus, que le thème de l’homosexualité n’était pas aussi « tabou » que l’on aime à le croire. Certes, par son prix (3 fr. 50, mais pas différent de celui d’autres ouvrages), un tel livre n’était pas accessible à tous. Mais, comme nous le raconte Jouhandeau, il était possible de l’acheter à la gare de Limoges. De plus, juste après sa parution, le contenu de l’ouvrage a paru en feuilleton dans le Supplément du journal La Lanterne, en 44 livraisons entre le 12 mai 1908 et le 20 août 1908 (Notice sur La Lanterne). À cette époque, ce journal tirait à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires. Autant dire que l’étude d’Henri de Weindel était assez largement diffusée et accessible. Pourtant, hormis cette mention de Marcel Jouhandeau, cet ouvrage semble avoir eu peu d’influence et de répercussion, probablement parce que l’abord « scientifique » du sujet, l’abondance des chiffres et des enquêtes devaient rebuter un public plus enclin à voir traiter ce sujet plus « légèrement ». Sans tomber dans des caractériologies nationales trop faciles et réductrices, l’approche allemande du sujet par Henri de Weindel, c’est-à-dire méthodique et scientifique, va à l’encontre de la légèreté et de la gauloiserie qui sont, paraît-il, des caractéristiques de l’esprit français. Cela peut sembler une explication un peu simpliste du peu d’écho de ce livre. Pourtant, au même moment, l’approche par la caricature, de John Grand-Carteret, a obtenu un plus grand succès public. S’il en fallait une preuve, il suffit de comparer les exemplaires disponibles des deux livres soit en bibliothèques, soit sur le marché du livre d’occasion. Et enfin, plus tardivement, le Troisième sexe de Willy me semble totalement ressortir de cet « esprit » français, ou prétendument français, fait de gaudriole et de goguenardise.
Henri de Weindel (1868-1944) est un journaliste et homme de lettres français, longtemps rédacteur en chef de
L'Excelsior. Sans réelle formation universitaire, il commence sa carrière de journaliste à l’âge de dix-huit ans et gravit peu à peu tous les échelons. Il s’engage fermement en faveur du capitaine Dreyfus, combat le boulangisme et l’antisémitisme. Il souhaite se faire un nom dans le théâtre et, pour cela, publie une douzaine de pièces. Mais c’est surtout la création du journal
L’Excelsior, « premier illustré quotidien français », en 1910, qui lui permet de se faire connaître. Plus tard, il dirigera la Comédie des Champs-Élysées. En 1917, il revient comme rédacteur en chef de
L’Excelsior. Ces quelques informations sont extraites d’une notice biographique qui lui est consacrée sur le site de l’Institut histoire et lumières de la pensée (
lien). La liste des collaborateurs qu’on y trouve montre la qualité et l’importance des contributeurs et des personnalités qu’Henri de Weindel a su attirer autour de ce journal et autour de lui. En 1907-1908, lorsqu’il rédige ce livre, il collabore alors à
La Lanterne et à
La Vie illustrée. Hormis les pièces de théâtres, il a déjà publié en 1905, chez le même éditeur (Félix Juven),
François-Joseph intime. Rien dans sa vie ne peut laisser présager un intérêt particulier pour l’homosexualité. C’est plutôt la conjonction d’un intérêt certain pour le monde germanique et du souhait d’éclairer l’actualité qui me semble être la raison de cette soudaine, et passagère, curiosité (intellectuelle) pour l’homosexualité. Peut-être voulait-il se faire un nom à cette époque comme spécialiste de l’Allemagne, avant de bifurquer vers d’autres préoccupations et activités. Le seul autre essai dans sa production est une
Histoire des Soviets, publiée sous sa direction en 1922, là-aussi, probablement avec la volonté d’éclairer le public sur un sujet d’actualité.
Malgré mes recherches, je n’ai pas réussi à identifier F.-P. Fischer et rien dans l’ouvrage ne permet de le faire. Je suis enclin à penser qu’il s’agit de l’informateur d’Henri de Weindel en Allemagne qui lui a fourni les données qu’il a commentées et publiées dans son livre. Peut-être s’agissait-il d’un journaliste ou d’un membre du Comité scientifique humanitaire de Magnus Hirschfeld.
Pour les esprits précis :
Il y a une incohérence de dates dans les propos de Marcel Jouhandeau puisqu’il dit qu’il « avai[t] presque dix-sept ans » lorsqu’il a découvert le livre, soit dans la première moitié de 1905, alors que le livre n’a paru qu’au début de 1908, alors que Marcel Jouhandeau avait presque vingt ans.
Selon un usage courant en français, le nom d’Eulenburg a été en parti francisé en Eulenbourg dans les articles et les livres parus à l’époque, ce qui fait que l’on peut encore trouver cette forme lorsqu’on parle de l’affaire. Il est préférable de garder l’orthographe originale, au risque d’avoir une cohabitation des deux formes lorsque on cite des textes de l’époque.
Un outil de Google permet d’identifier les occurrences du mot « homosexuel » dans les ouvrages et la presse en France. Comme on le constate, jusque vers 1940, ce mot était très peu utilisé. On comprend mieux le propos d'Henri de Weindel en introduction et la remarque de Marcel Jouhandeau sur la faible connaissance du mot au moment de l'affaire et comment celle-ci a contribué à le faire entrer dans l'usage.
Description de l'ouvrage
Henri de Weindel & F.-P. Fischer
L’Homosexualité en Allemagne.
Étude documentaire & anecdotique.
Paris, Société d’Édition et de Publications, Librairie Félix Juven, [1908], in-8° (190 x 120 mm), [4]-319 p.
Ce livre est accessible en version numérisée sur Google Books : lien.Il est présent à la Bibliothèque nationale, à l'Arsenal, à la Bibliothèque inter-universitaire de Médecine de Paris, dans le fonds franc-comtois de la bibliothèque de Lons-le-Saunier et le fonds Hérelle de la médiathèque de Troyes.
Il existe peu de recensions de cet ouvrage au moment de sa parution. Dans un journal où on ne l'attendrait pas, Le Signal de Madagascar et dépendances, un long article en première page d'Henri de Busschère se montre très favorable au livre et, indirectement par la publicité qui en est faite, plutôt ouvert sur la question de l'homosexualité (Lien vers l'article).
Signalons que L’Homosexualité en Allemagne, Derrière « Lui », de John Grand-Carteret a été réédité par les éditions GayKitschCamp : cliquez-ici.
Enfin, cette même année 1908, probablement en lien avec l'intérêt suscité par la situation des homosexuels en Allemagne, est publiée en France une traduction d'un ouvrage de Magnus Hirschfeld : Le troisième sexe. Les homosexuels de Berlin., Paris, Librairie médicale et scientifique Jules Rousset, 1908. J'en ai parlé sur ce site : Le troisième sexe. Les homosexuels de Berlin.