samedi 25 juillet 2009

"Pédérastie active", de P. D. Rast

L'ouvrage de ce jour est particulièrement rare. Il a paru sous le pseudonyme de P. D. Rast en 1907.


C'est un récit érotique où l'auteur raconte ses propres exploits sexuels avec des jeunes gens. Il donne aussi la parole à certains de ses partenaires, prétexte à raconter leurs initiations aux amours masculines, mais aussi aux amours féminines. Le ton est très libre, voire très cru. La première partie est consacrée aux "amours" de l'auteur avec le jeune Albert "ce petit cochon de quinze ans". La deuxième partie est le récit par lui-même de la vie sexuelle de Thomas, frère d'Albert. Ce récit est l'occasion de décrire l'initiation sexuelle, tant avec des hommes qu'avec des femmes, d'une jeune garçon d'un milieu populaire à la campagne.

L'auteur associe volontiers un style un peu précieux et apprêté à une très grande liberté de ton. Par exemple (p. 30) : "le centre des plaisirs vénériens, certaine protubérance qui, en vertu de la communication des idiomes, produit en moi son immédiate répercussion. Cette protubérance, ai-je besoin de le dire, c'était la bite d'Albert".

L'introduction est un hymne aux amours masculines. Elle commence par : "Ce volume, des plus intéressants, a sa place dans toutes les bibliothèques : l'instituteur le donnera en prix à ses jeunes élèves; le curé en fera sa récompense du catéchisme de première communion." L'ouvrage reproduit un schéma homosexuel très classique à l'époque : un homme aisé, de bonne éducation, vit ses relations homosexuelles avec des jeunes garçons de milieu populaire.

Ce texte a été réédité dans la collection des
Cahiers Gai Kitsch Camp, n° 18, 1993, choix et présentation Patrick Cardon, avec 2 hors textes de Paul-Emile Bécat.

Dans son introduction, P. Cardon met bien en évidence que cet ouvrage décrit une sexualité populaire "proche de la nature" : "la vie sexuelle du prolétariat des campagnes".; monde où les frontières entre homosexualité et hétérosexualité n'étaient pas figées et étiquetées, mais où, on contraire "on aime les femmes mais on a du plaisir avec les hommes".


En notes page 133 et la dernière page, p. 163, l'auteur annonce un 2ème volume à paraître prochainement (deux ou trois mois après celui-ci). Il n'existe pas à la BNF d'autres ouvrages de cet auteur. Faut-il le rapprocher de
Pédérastie passive, mémoire d'un enculé, de L. B., paru vers 1911 ? P. Cardon, qui a aussi réédité ce dernier ouvrage dans la collection Cahiers Gai Kitsch Camp, n° 20, ne le pense pas. Il relève une grande différence de style et de mise en scène. Si elle existe, cette suite n'a donc pas été trouvée.


Description de l'ouvrage

London-Paris, Société des bibliophiles, 1907, in-8° (200 x 130 mm), 163 pp, couvertures muettes rempliées.

Imprimé sur un beau papier vergé, probablement des papèteries d'Arches. La typographie est soignée. Le texte est orné d'un encadrement de rinceaux rouges.


Le prix de l'ouvrage était 50 frcs (indiqué au dos du livre), ce qui représente 160 € (1 050 Frcs) de 2002, soit plus cher que le prix auquel je l'ai acheté à cette date : 115 €.

Dans les bibliothèques publiques, il n'existe qu'un seul exemplaire à la BNF : Enfer-1232.

samedi 4 juillet 2009

"Manuel d'érotologie classique (De Figuris Veneris)", de F.-K. Forberg, illustré par Paul Avril

L'ouvrage que je présente n'est pas à proprement parler une étude sur l'homosexualité masculine, mais une part importante lui est consacrée, d'une façon que je trouve favorable et, d'un certain point de vue, plaisante.


Friedrich-Karl Forberg (1770-1848), philosophe allemand, s'est détourné de la philosophie pour se consacrer à l'édition d'un recueil de textes érotiques du XVe siècle, l’
Hermaphroditus, par Antonio Beccadelli, dit « Le Palermitain ». Il a souhaité accompagné cette réédition d'un corpus de notes permettant d'illustrer et d'éclairer le sens des mots latins et grecs. Pour cela, il a compilé plus de 150 ouvrages et retenu 500 extraits. L'objet est de "donner quelques satisfactions aux exigences de ceux que souvent embarrassent" les termes et expressions érotiques latines et grecques. C'est donc un travail philologique, qu'il présente en respectant les règles de l'érudition universitaire, qui a paru en 1824 à Cobourg. L'ouvrage se présente en deux parties : la traduction de l'Hermaphroditus, suivie des notes explicatives sous le titre d'Apophoreta.

Alcide Bonneau entreprit de traduire la deuxième partie en 1882 et le fit publier par Isidore Liseux sous le titre :
Manuel d’Érotologie classique (De figuris Veneris). Texte latin et traduction littérale par le traducteur des Dialogues de Luisa Sigea Alcide Bonneau. Paris : Isidore Liseux, 1882. 2 vol. in-8°, XVI-240 pp. et [2]-240 p. (Musée secret du Bibliophile, N° 3). Tiré à 100 exemplaires.

Le contenu de l'ouvrage est le suivant :
Chapitre Ier. De la futution. Il s'agit de "l'œuvre qui s'accomplit au moyen de la mentule introduite dans la vulve".
Chapitre II. De la pédication. "Maintenant parlons d'un autre genre de plaisir : celui que prend la mentule au moyen de l'anus".
Chapitre III. De l'irrumation. "Mettre dans la bouche le membre en érection s'appelle irrumer."
Chapitre IV. De la masturbation.
Chapitre V. Des cunnilinges.
Chapitre VI. Des tribades.
Chapitre VII. Du coït avec les bêtes.
Chapitre VIII. Des postures spintriennes. "Il arrive pourtant que plus de deux personnes, trois et même davantage, peuvent jouir ensemble; c'est ce que nous appelons, d'après Tibère, le genre spintrien".
Enumération des postures érotiques. 90 postures !

C'est dans le chapitre
De la pédication que Forberg décrit les différentes formes de jouissances homosexuelles. Passant rapidement sur le rôle actif, dont le plaisir est "facilement compréhensible", il s'interroge sur le plaisir passif, avouant : "c'est plus difficile à comprendre, du moins à ma faible intelligence, car je suis tout à fait étranger aux pratiques de ce genre."...
Cependant, fidèle à sa méthode, il rapporte de nombreux extraits de textes anciens (latins et grecs) tendant à démontrer que le rôle passif est aussi source de plaisir. Ce qui frappe dans cet ouvrage est le ton détaché, où toute considération morale est absente. Cela en fait donc un des premiers textes qui s'intéresse au plaisir homosexuel, dans une conception presque scientifique, avec le charme supplémentaire des textes anciens dont Forberg relève lui même "la simplicité libre et les plaisanteries pleines de sel des Anciens". Pour finir, dans son introduction, il se défend d'avoir voulu écrire cet ouvrage pour faire part du "résultat d'expériences personnelles", voire "d'essais nouvellement tentés", puisque, il se décrit comme "plongé tout entier dans les livres, nous ne sortons pas des livres; à peine fréquentons-nous les hommes"...

Une nouvelle édition de ce texte a été donnée en 1906 par Charles Hirsch avec un frontispice et 19 gravures d'après des dessins de Paul Avril. Je viens d'acheter un tirage à part des gravures, en couleurs. Chaque gravure est accompagnée d'une serpente qui porte un extrait du texte qu'elle illustre. Le frontispice présente un portrait de Forberg, accompagné d'une femme nue et d'un faune "en splendeur".


Ensuite, les trois gravures représentant des scènes homosexuelles masculines sont, avec le texte qu'elles illustrent :

Planche VII :
"Il perdit, durant sa navigation sur le Nil, son cher Antinoüs, dont il pleura la mort comme une femme. Divers bruits courent sur cet Antinoüs, les uns affirmant qu'il s'était dévoué pour Adrien, les autres s'en référant à ce qu'indiquent sa beauté de formes et le plaisir excessif qu'Adrien éprouvait près de lui."
Spartien,
Adrien (chap. 14).

Planche VIII :
Platon, dans le
Banquet fait intervenir Alcibiade, qui se souvient, pour me servir des expressions de Cornélius Népos, "d'avoir passé une nuit avec Socrate".
Platon,
Alcibiade (chap. 2).

On remarquera au deuxième plan la fontaine aux deux jets convergents...

Planche XVIII :
"Dans sa retraite de Caprée, il imagina même d'avoir une sellaria, théâtre de ses secrètes débauches, dans laquelle des groupes choisis de jeunes filles et d'exolètes, inventeurs d'accouplements monstrueux, et qu'il appelait des spintries, formant entre eux une triple chaine, se souillaient mutuellement devant lui, pour ranimer par ce spectacle ses désirs languissants."
Suétone,
Tibère (chap. 43).


Il faut se reporter au chapitre sur la pédication pour savoir ce qu'est un exolète : il s'agit d'un homme adulte qui se fait "pédiquer", ce qu'il appelle aussi le patient.


Description des ouvrages et des exemplaires :

L'exemplaire que je possède est une réédition de 1932, tiré à 500 exemplaires réservés pour les souscripteurs sur un beau papier vergé :
Manuel d'érotologie classique (De figuris Veneris). Texte intégral traduit du latin par Alcide Bonneau
Paris, Imprimé pour René Bonnel, 1932, in-8° (230 x 142 mm), 223-[2] pp, couvertures rempliées.


René Bonnel a donné trois rééditions de ce texte, en 1931, 1932 (cette édition) et 1933. L'édition de 1932 est inconnue du CCFr.

Pour les illustrations, la description est la suivante :
Suite complète de Vingt Gravures en Taille-douce pour illustrer le Manuel d'érotologie classique de J.-K. Forberg.
Paris, s.n., 1906, vingt gravures en couleurs (212 x 281 mm), chacune accompagnée d'une serpente avec légende, le tout dans une chemise aux plats cartonnés. La couverture porte le titre.



Sur Frierich-Karl Forberg, on peut consulter utilement la notice Wikipedia, très complète, qui reprend des informations d'Alcide Bonneau.
Autres notice Wikipédia :
Alcide Bonneau
Paul Avril