En 1924, Guy Lévis-Mano, en association avec quelques amis, lance une revue littéraire uniquement consacrée à la poésie, simplement intitulée Des Poèmes. Elle n’a eu que trois numéros. On y retrouve l’esprit du recueil de poèmes, Les Éphèbes, du même Guy Lévis-Mano, aussi publié en 1924 (cliquez-ici), même si le caractère homoérotique y est moins prononcé. C’est essentiellement dans les illustrations que l’on y retrouve ce goût pour les figures androgynes, comme dans ce dessin de Gaston Poulain.
Prélude d’hiverL’éphèbe est mort pendant la nuit,Il est mort par mélancolie,Fragilité, brisé d’ennui,Pâleur d’opale encor pâlie.Il était triste et je l’aimais,Il m'a laissé sa poésieAfin de fuir, à tout jamais,L’éternité de l’amnésie.Du grand artiste, un coup de gommeEffaça cet être si beau,Je peux pleurer ; le cœur d’un hommeNe s’emplit pas comme un stylo.Je ne saurai plus rien de lui !L'on a cueilli les chrysanthèmes,Près de son corps un cierge luit...Comme il fut court notre poème !Je vois les fleurs qui se défont :La lune est là, pâle et gênée...L'automne meurt et râle au fondDe la forêt oxygénée.Mon rêve et lui seront enfouisDans le jardin cachant les crimes,Tous les amants se sont enfuis :Le vent gémit parmi les cimes.Je reste seul, sans compagnonLe corps est mort, l’âme est partie ;Le flocon blanc des champignonsSemble une lettre anéantie.La forêt pleure : Aux pleurs se mêle,Trop doucement l’amour d’antan,Le souvenir de sa voix frêleEst un concert déconcertant.Glas et verglas. Mon cœur se brise !La mort s’en vient avec l'hiver...Je ne suis pas de ceux qu’on grise.J’ai cassé mon flacon d’éther.
Gaston Poulain |
José-Angel Ferrer |
Gaston Poulain |
Le ciel est gris, trop gris pour moi si fatigué :Le jardin se défeuille alangui sous la pluie.Longtemps vers les coussins mes doigts ont divagué,Sur le divan d'argent mon pyjama s’ennuie.Dans le miroir, ovale et flou, je m'aperçois,Tout près de ce désir fantasque d’un artiste,La vasque japonaise où les poissons chinoisS’endorment en dorant le cristal d’améthyste,Le globe contenant un brouillard de clartéA fait du guéridon cet astre de dentelles :Quittant le satellite, un vieux service à thé,L'oiseau de Paradis s'enfuit à tire d’ailes.Un œillet blanc, lassé, voilé de sparagusSe pâme lentement de langueur inconnue,Des champs caligineux s’exhale un angelus.Mes yeux voudraient garder le jour qui diminue.
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