jeudi 2 juillet 2020

Robert de Montesquiou et Gabriel Yturri

Il y a maintenant 10 ans, je présentais un livre très touchant de Robert de Montesquiou, entièrement dédié à l'amour de sa vie, Gabriel Yturri (cliquez-ici) : Le Chancelier de Fleurs, publié à cent exemplaires en 1907. J'avais été personnellement touché par ce bel hommage rendu par un homme à un autre homme, qui était l'occasion pour nous de découvrir une autre facette de ce dandy fin-de-siècle. Modèle de l'homosexuel flamboyant, qui aurait inspiré le baron de Charlus, Robert de Montesquiou a su nous montrer, dans cet ouvrage, la profondeur et la robustesse de ses sentiments pour cet amour de vingt ans. Si Robert de Montesquiou a été le modèle du baron de Charlus, Proust a gommé cet aspect pourtant attachant de sa personnalité, peut-être parce qu'il avait du mal à imaginer un homosexuel simplement amoureux.

Gabriel Yturri (1860-1905)
Source : Sotheby's


Ces quelques réflexions me sont inspirées par l'actualité des ventes aux enchères. Il y a quelques jours, une maison de vente a proposé un ouvrage de Robert de Montesquiou que celui-ci a agrémenté d'un envoi à son "cher rencontré", belle preuve d'amour dans sa simplicité :

Source : Sotheby's

Toujours dans cette vente, et plus émouvant je trouve, une autre belle preuve d'amour. Robert de Montesquiou a composé pour Gabriel Yturri un petit ouvrage contenant un poème calligraphié et une photo originale de Montesquiou. Il l'a fait relié et le lui a offert avec ces mots tout simples : "à mon fidèle Gabriel, aussi apprécié en 1903 qu’en 1885, cette prière, composée pour lui."
 
Source : Sotheby's


Source : Sotheby's

Dans la même vente, il était proposé un des cent exemplaires du Chancelier de Fleurs, avec un envoi un peu sibyllin à Pierre Loti, qui faisait donc partie de la centaine de destinataires privilégiés de cet ouvrage, "ceux qui, à travers les malentendus de la vie, et en dépit des méconnaissances du monde, ont su démêler dans l’Être exceptionnel qu'ils virent longtemps auprès de moi, quelques-uns de ces traits qui suffisent, par leur noblesse, à renseigner sur ce qui ne se livre point, d'un sentiment ou d'une pensée."


Source : Sotheby's

A Pierre Loti
un miroir qui le reflète
dont la glace est faite des flammes
et dont l'eau contient des pleurs
Robert de Montesquiou
27 juin 08
Source : Sotheby's

Le 27 juin 1908, date de la dédicace à Pierre Loti, correspond à une lecture de cet ouvrage organisée par Robert de Montesquiou, lecture à laquelle Proust regrettait de ne pas avoir été convié. On comprend que Pierre Loti avait été invité.

4 commentaires:

Ludovic a dit…


Bel et émouvant article. Encore une magnifique contribution de votre érudition à la connaissance d'une époque dont on n'a pas fini de regretter les séductions cachées.

Bibliothèque Gay a dit…

Merci pour votre sympathique message.

David Jean-Félix a dit…

Merci pour votre blog, que je suis assidument.

Bibliothèque Gay a dit…

Merci. Je connais aussi votre blog.