Ce beau dessin est un double témoignage. C'est d'abord la preuve du talent de Jean Boullet qui préparait son premier ouvrage illustré, Tapis volant, paru en 1945. C'est surtout une belle illustration de l'amitié qui liait le poète Max Jacob (1876-1944) et Jean Boullet. La dédicace est une marque de gratitude du jeune homme à son aîné :
Très humblement pour Max Jacob qui a pensé à moi le matin de mon premier vernissage. Avec un grand merci. Il sait mon amitié. Jean BoulletQuarante-cinq ans séparaient les deux hommes. Pourtant, ils semblent avoir été très proches, même s'il n'en existe que fort peu de preuves. Ce dessin de Max Jacob pour Jean Boullet, démontre aussi l'estime qu'il lui portait :
Humblement à Jean Boullet une des plus rares sensibilités que j’aie rencontrée - son amiMax Jacob, 1941
Cher Jean [Cocteau]
Un mot de ma mère me dit que vous avez eu la bonté de la recevoir. C’est une femme assez bonne qui m’adore et que le pauvre MAX avait en grande Estime.[Cette lettre est reproduite p. 290, de Passion et subversion, de Nicole Canet.]
Enfin, on trouve la mention que le jour de l'arrestation de Max Jacob, le 24 février 1944, un gendarme a prévenu par lettre anonyme le peintre Jean Boullet. Patricia Sustrac, qui rapporte ce fait, ajoute : « On ne connaît aucune action significative de Jean Boullet dans cette affaire. On peut s’étonner également de l’envoi de cette lettre anonyme à une relation de Jacob très éloignée du cercle étroit de ses amis. Il n’a pas été possible de retrouver la famille de ce gendarme qui aurait pu sans aucun doute nous aider à comprendre comment l’adresse de Jean Boullet lui était connue. »
Il semble pourtant que Jean Boullet était plus proche de Max Jacob que le silence des sources peut le laisser penser. Certes, dans sa biographie de référence, Jean Boullet, le Précurseur, Denis Chollet n'en parle pas. Cependant, Michel Déon rappelle dans la préface de ce livre qu'après avoir chroniqué une exposition de dessins de Jean Boullet, à la fin de 1944, celui-ci lui « écrivit pour me remercier et m’inviter chez lui, avenue d’Italie. Il habitait sur cour un appartement avec trois pièces d’enfilade bourrées d’objets baroques, de très belles gravures, de dessins de Jean Cocteau, de Max Jacob. »
En définitive, la plus belle preuve de l'amitié ou de l'estime mutuelle qui liaient les deux hommes est sûrement ce portrait émouvant de Max Jacob à l'étoile jaune, qui est aujourd'hui conservé au musée de Quimper :
Jean Boullet (1921-1970) - Portrait de Max Jacob à l’étoile jaune, 1943 Encre de Chine sur papier, 30 x20 cm - Musée des beaux-arts de Quimper © Musée des beaux-arts de Quimper |
L'acte de naissance de Jean Boullet
En préparant ce billet, je me suis étonné de ne pas trouver le lieu et la date de naissance de Jean Boullet, hormis cette unique mention répétée partout qu'il serait né à Paris en 1921. Une rapide recherche m'a permis de trouver son acte de naissance dans les archives en ligne de Neuilly-sur-Seine. Il a donc vu le jour le 12 décembre 1921, au n° 37, boulevard du Château. Ses parents habitaient alors au n° 12, rue Angélique Vérien, dans un immeuble cossu comme il y en a tant dans cette ville.
Source : Archives départementales des Hauts-de-Seine |
3 commentaires:
Excellente enquête sur les relations Jean Boullet-Max Jacob ainsi que sur Jean Boullet lui-même. Vous corrigez l’information donnée par Roger Peyrefitte selon laquelle Jean Boullet serait mort assassiné au Maroc (Propos secrets 2, p. 308) en apportant la preuve que le lieu de décès est l’Algérie et non le Maroc.
Merci. Je pense qu'il y a peut-être des lettres publiées dans la correspondance de Max Jacob, mais je n'ai que le premier tome qui s'arrête en 1933.
Cher Jean-Claude, les propos secrets de la commère Peyrefitte, n'est-ce-pas...
J. Marc : ce billet me donne de précieuses indications dont je tirerai profit dans l'élaboration de mon nouvel opus, lequel couvre cette période.
Il faudrait en discuter "en réel", non ?
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