L'annonce de l'achat de la maison Rimbaud de Roche par Patti Smith a donné lieu à quelques confusions sur la maison qui a été réellement achetée et le lien entre cette maison, Rimbaud et Charleville.
Vitalie Cuif, la mère d'Athur Rimbaud, avait hérité de son père d'une ferme importante située au hameau de Roche (commune de Chuffilly-Roche, Ardennes) à une quarantaine de kilomètres au sud de Charleville. Cette maison, par son importance au sein du village, satisfaisait probablement cette aspiration à la notabilité qui a hanté la mère de Rimbaud toute sa vie. Elle devait lui rappeler cruellement la situation sociale précaire qu'elle occupait à Charleville, aggravée par le départ de son instable mari.
Cette maison a été utilisée par les Allemands comme PC lors de la guerre de 1914-1918. Ils l'ont détruite au moment de leur retraite, ne laissant qu'un pan de mur. La maison achetée par Patti Smith a été construite sur le terrain, mais dans une situation différente et en retrait de la route.
Ces deux images permettent de nous représenter la maison telle que l'a connue Arthur Rimbaud.
La maison achetée par Patti Smith est celle-ci.
Cette vue permet de la situer par rapport au pan de mur subsistant que l'on voit sur la gauche de cette photo :
Pour évoquer le séjour d'Arthur Rimbaud à Roche, durant ce printemps et cet été 1873 pendant lesquels il écrivit Une saison en enfer, le journal de sa sœur Vitalie nous fournit un témoignage précieux. Cette jeune sœur, née 4 ans après Arthur Rimbaud, a tenu un journal dans lequel elle a consigné les faits de sa vie de jeune fille. Au-delà de l'intérêt que peut présenter ce texte pour entrer dans l'intimité d'une adolescente du XIXe siècle, c'est pour nous l'occasion d'une évocation familière d'Arthur Rimbaud. Au printemps 1873, Vitalie, son frère aîné Frédéric, sa sœur Isabelle, et leur mère s'installent pour quelques mois à la ferme de Roche. Le vendredi-saint de cette année-là, ils ont la surprise de voir débarquer Arthur. Vitalie Rimbaud relate avec beaucoup de fraîcheur et d'émotion cette scène de retrouvailles familiales :
Nous nous étions mis à bêcher une partie du clos qui se trouve derrière la maison car nous avions la prévision d'en faire notre jardin potager, aussi bien qu'il devait renfermer de jolies fleurs. Ce travail tout nouveau pour nous excita singulièrement notre ardeur et il ne fut point de moment à nous qui n'était employé à cultiver la terre. La chaleur, la fatigue, rien ne nous rebutait ; la perspective de voir ce terrain cultivé de nos mains et fécondé de nos sueurs produire de dignes fruits de notre travail, suffisait pour surmonter tous les obstacles. Nous arrivâmes ainsi au Vendredi Saint. Ce jour devait faire époque dans ma vie car il fut marqué d'un incident qui me toucha particulièrement ; sans en être pour ainsi dire prévenus, l'arrivée de mon second frère vint mettre un comble à notre joie. Je me vois encore, dans notre chambre où nous restions habituellement, occupées à ranger quelques affaires ; ma mère, mon frère et ma sœur étaient auprès de moi, lorsqu'un coup discret retentit à la porte. J'allai ouvrir et... jugez de ma surprise, je me trouvai face à face avec Arthur. Les premiers moments d'étonnement passés, le nouveau venu nous expliqua l'objet de cet événement ; nous en fûmes bien joyeux, et lui bien content de nous voir satisfaits. La journée se passa dans l'intimité de la famille et dans la connaissance de la propriété qu'Arthur ne connaissait presque pas pour ainsi dire.
Leur vie se déroule, occupée par les travaux de jardinage et d'économie domestique. Seul, Arthur est engagé dans sa dernière œuvre littéraire, Une Saison en enfer :
Le mois de juillet [1873], ce mois extraordinaire pour moi maintenant, fut la cause de bien des sensations, de bien des déterminations. Pendant que des heures rapides s'écoulaient pour moi dans les champs, ma sœur Isabelle restait à la maison, avait soin du ménage ; elle prenait avec une sollicitude que je partageais moi-même quand je rentrais, un goût excessif à l'arrangement des petits lapins et des jeunes poussins qui venaient de nous être donnés ; ces petites bêtes étaient de notre part l'objet d'une préoccupation toute singulière. Mon frère Arthur ne partageait point nos travaux agricoles ; la plume trouvait auprès de lui une occupation assez sérieuse pour qu'elle ne lui permît pas de se mêler de travaux manuels.
J'ai découvert ce texte lors de notre visite du musée Rimbaud de Charleville il y a un an :
Pour finir, cette très belle interprétation de Because the night, par Patti Smith :
1 commentaire:
Petite précision : la peinture de Paterne Berrichon représente le grenier de Rimbaud devant la maison voisine, placée à l'équerre.
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