jeudi 13 mai 2010

"Les garçons", Henry de Montherlant, 1973

C'est un ouvrage un peu oublié que je souhaite présenter aujourd'hui.



En 1969, Henry de Montherlant publiait Les garçons, une des ses œuvres majeures. Plusieurs fois travaillées, il attendit la fin de sa vie pour terminer et publier ces pages évocatrices des amours collégiennes. Et pourtant, de nombreux passage ont été retirés de la première édition de 1969. Je ne vais pas analyser le livre, ni en donner un résumé. Je vous renvoie à ces quelques pages, qui pourront satisfaire votre curiosité :
Un bon résumé : albertportail.info
Une évocation plus personnelle : culture-et-debats.over-blog.com
Pour une histoire de l'œuvre : www.montherlant.be



Un an après sa mort en 1972 parait enfin la version complète, sans les passages expurgés. C'est un grand ouvrage, imprimé sur beau papier et magnifiquement illustré par Edouard Mac Avoy de 46 dessins reproduits en pleine page dans l'ouvrage. La majorité (30) est en noir et blanc, mais 16 sont en couleurs. Edouard Mac Avoy (1905-1991) est un célèbre portraitiste dont on connaît les portraits de Picasso, Dali,etc. (voir son site officiel : Edouard Mac Avoy). Il est très habile pour donner vie aux différents personnages de l'œuvre de Montherlant. Parmi les 46 planches, j'en ai sélectionné 8 qui illustrent plus particulièrement la "protection" :






Pour ma part, j'apprécie ces portraits un peu secs et dépouillés, mais en même temps évocateurs et retenus.

Comme Elie Grekoff (voir la reproduction de ses dessins très homoérotique illustrant le Tirésias de Jouhandeau) ou Pierre-Yves Trémois (dont j'aurai l'occasion de parler), Edouard Mac Avoy appartient à cette famille d'artistes dont la plus grande partie de l'œuvre (et la renommée) est très loin de l'univers homosexuel, et qui savent pourtant rendre comme nul autre pareil, la beauté masculine et même la beauté de l'amour entre hommes. Grâce leur en soit rendu.

Quant au livre lui-même, je me suis surpris à l'apprécier. Je pensais être ennuyé par cet évocation de l'univers désuet des collèges catholiques (on retrouvait encore un peu de cet atmosphère lors de mon passage dans un collège catholique à la fin des années 70). En réalité, je me suis attaché à ce personnage d'Alban de Bricoule. J'ai aimé son idéalisme moral, cet esprit de redresseur de torts que l'on trouve souvent à l'adolescence. C'est d'ailleurs l'occasion de rappeler que ce livre est exempt de l'atmosphère de péché, de culpabilité et de moralisme que l'on trouve beaucoup dans la littérature homosexuelle des années 50 (voir Jean-Paul, de Marcel Guersant ou Les amitiés particulières de Peyrefitte). Il y a un grande liberté de ton et de pensée dans l'évocation des personnages : le portrait sans concession, et plutôt malveillant, de la mère, le personnage tout en ambiguïté, mélange de rouerie et de naïveté, de l'abbé de Pradts, prêtre sans foi qui allie le respect des conventions avec une grande pratique de la liberté intérieure, etc.On sent que ce livre très retenu est aussi très personnel. Doit-on y voir une forme de testament, celui d'un vieil homme qui retrouve son adolescence, toute d'intégrité et de bravoure (voir les évocations de la corrida, omniprésente dans ce livre).

Le livre est actuellement disponible dans le collection Folio.


Quelle fut pas ma surprise de m'apercevoir que cette édition courante ne contient pas les passages ajoutés dans l'édition de 1973. Pourtant, ces passages, qui éclairent bien le propos du texte qui reste sans cela beaucoup trop allusif, me semblent bien gardés la modération de propos qui est le ton de l'ouvrage. Peut-être que leur contenu un peu plus explicite sur les mœurs garçonnières (la fameuse "protection") est encore trop scandaleux. Pour ceux qui veulent lire l'ouvrage en édition intégrale, il ne leur reste qu'à trouver cette édition ou celle de la Pléiade parue en 1982.

Description de l'ouvrage

Henry de Montherlant
Les garçons
[Paris], Gallimard, [1973], in-4° (280 x 206 mm), 549-[3] pp., 46 planches hors texte dont 30 planches en noir et blanc et 16 planches en couleurs, sous couverture rempliée de couleur rose.


Tirage de 3150 exemplaires sur vergé chiffon ivoire des Papeteries de Lana, dont 3000 exemplaires numérotés de 1 à 3000 et 150 exemplaires hors commerce numérotés de 3001 à 3150.

Malgré ce tirage en grand nombre, c'est un ouvrage peu courant.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Je possède un exemplaire de cette édition illustrée par Mac Avoy, et je n’ai appris que récemment, par la dernière biographie parue sur Montherlant (celle de Philippe Alméras) que Montherlant avait pu voir les dessins de Mac Avoy quelques jours avant son suicide.
Cela rend cette édition illustrée plus précieuse.

bruno a dit…

Bonjour-Merci pour ce billet sur cette oeuvre importante- Il est dommage que la biographie d'Alméras présente une édition si fautive; sa lecture est rendue pénible par les fautes de plume, mais l'éclairage sur la vie de Montherlant, aidé des mémoires de son aime Zerfhuss, est très intéressant.
Alméras confirme la rencontre Montherlant/ "Philippe" au milieu des années 30, grâce à ces mêmes mémoires

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je sais que ce sujet remonte de trois ans mais j'espère réellement que quelqu’un me réponde ...

Voilà je recherche "Les Garçons" avec l'édition illustrée par Mac Avoy
Savez-vous où puis-je la trouver ?

En espérant vraiment que mon message soit lu.
Avec mes remerciements.

Bibliothèque Gay a dit…

Rechercher sur www.abebooks.fr. Il y a de nombreux exemplaires à vendre dans une gamme de prix 150/200 €.

Unknown a dit…

Bonjour, donc si j'ai bien compris, la version Folio est dépouillée de certains passages, serait-elle donc censurée ? Et qu'en est-il de la version Gallimard blanche ? Faut-il nécessairement acheter la version avec les planches ou la Pléiade pour avoir version non censurée ? Merci d'avance.

Bibliothèque Gay a dit…

Bonjour
Vous avez bien compris. L'édition Folio reprend l'édition de 1969, dans laquelle Montherlant (ou l'éditeur) ont supprimé certains passages. Cette édition illustrée est la première dans laquelle ces passages ont été repris.En revanche, je n'ai pas retrouvé la référence qui me permettait d'affirmer que l'édition de la Pléiade était complète. Quant à la version Gallimard blanche, je ne saurais dire, mais sur le site de Gallimard, il est donné comme date de parution : 11-04-1969, ce qui peut laisser penser que cette édition ne contient pas les passages ajoutés en 1973.
Jean-Marc