Poursuivant le travail commencé la semaine dernière, je m'intéresse au premier livre publié par Jean Boullet alors qu'il avait à peine 25 ans. En 33 dessins, il croque d'un trait vif et extrêmement évocateur la beauté d'adolescents arabes. Publié en 1945, avec l'appui de Jean Cocteau, "Tapis volant" se présente en feuilles, dans un chemise cartonnée.
Le dessin de Jean Boullet n'avait pas encore ce trait précis et très marqué qui le caractérisera par la suite. Le choix du crayon de charbon donne plus de flou, plus d'aérien au dessin.
J'ai sélectionné 8 dessins parmi les 33 (pour agrandir l'image, cliquez dessus) :
A mon goût, le plus érotique et le plus évocateur :
Dans son catalogue, Jacques Desse reproduit un beau texte de Jean Leffard sur cet ouvrage : "C'est pour leur apprendre qu'ils appartenaient à un monde oiseau et leur révéler l'Orient dont ils étaient les anges que Boullet a crayonné de merveilleuses histoires qui se jouent aux portes du ciel… Tout Jean Boullet est déjà dans ces quelques dessins, langueur des gestes et des attitudes, recherche du charmant ou du cruel, étonnante facilité"
Didier Chollet, Jean Boullet le précurseur, p. 17, consacre quelques mots à ce premier ouvrage, reprenant les informations du texte introductif. Pour échapper au STO, Jean Boullet séjourna dans une clinique psychiatrique à Suresnes. C'est lors de cette période de convalescence qu'il dessina les planches de cet ouvrage pour lesquelles auraient posé 3 enfants kabyles, dans le sous-sol d'une mosquée, sous le regard bienveillant de la mère. En revanche, Didier Chollet n'explique pas comment un jeune homme de 23 ans a pu se faire éditer par Flammarion et obtenir l'appui de Jan Cocteau. Dès cet âge-là, il paraissait bien lancé dans le monde gay de l'Occupation, croisant probablement Jean Cocteau à cette occasion. La biographie de Jean Cocteau par Claude Arnaud n'en parle pas.
Le prologue de Jean Cocteau est reproduit en fac-similé :
Autre personnalité de ce monde du gay Paris de l'Occupation, François Sentein a croisé Jean Boullet et rapporte ces anecdotes sur cet ouvrage dans son journal : Minutes d'une autre année (1945), (pp. 141-143)
"? octobre. [1945] - Après-midi avec Jean Boullet à Suresnes, au bord de la Seine, dans le parc de la maison de santé où il est arrivé à se faire transférer de la Santé. De là il continue à mener ses affaires, comme, de leur cellule de prison, les gangsterrereurs d 'Amérique. C'est sa pension Belhomme.
Par exemple, il a dirigé l'édition en feuilles volantes, serrées dans un cartonnage noué d'un cordonnet, des dessins de Tapis volants, présentés par un texte de notre bon Cocteau, à savoir : épais comme le petit doigt de poses – chacune à peine différente des autres – en déguisement turquois où l'on reconnaîtrait, n'était la facilité sommaire du trait, un même modèle adolescent : Daniel Filipacchi. [...]
Toujours est-il que le recueil des esquisses a été distribué, avec trop d'empressement, avant qu'en eussent été numérotés les exemplaires. Notre prisonnier aussitôt de dépêcher sa mère à faire le commis de la quincaillerie familiale passer, muni des marqueurs et du tampon encreur, chez tous les détenteurs de l'ouvrage – dont j'étais – pour rattraper la précipitation."
On peut penser que l'identification du modèle par Sentein est vraie, car je ne vois pas l'intérêt d'inventer une telle histoire. Certes, c'est moins poétique que les trois adolescents à la saveur orientale dont il parle dans sa préface (notice sur Daniel Filippacchi).
Il n'existe qu'un seul exemplaire dans les bibliothèques publiques, dans le fonds Cocteau de la Bibliothèque universitaire de Montpellier (Lettres). C'est un des deux exemplaires hors commerce sur Japon. Il s'agit probablement de l'exemplaire personnel de Jean Cocteau. Ce fonds a été constitué à partir du don d'Edouard Dermit, légataire universel du poète (voir Fonds Cocteau).
Description de l'ouvrage
Jean Boullet
Tapis volant
33 dessins sur un thème personnel avec un prologue de Jean Cocteau
[Paris], Flammarion, [1945], in-8° oblong (210 x 270 mm), [7] ff. + [33] planches., sous une chemise de titre et une chemise cartonnée à dos toilé.
L'ouvrage contient :
- Chemise de titre avec la justification au recto
- Fac-similé du prologue de Cocteau (f. [1]), suivi du même texte de Cocteau (f. [2])
- Page d'intertitre : Eclaircissements sur un thème personnel (f. [3])
- Texte introductif (ff. [4-7]), datée de Paris, juin 1944.
- 33 planches de dessins.
Les feuillets et les planches ne sont imprimées qu'au recto.
Justification :
- 25 exemplaires sur Japon de Rives, avec un dessin original, numérotés de I à XXV
- 350 exemplaires sur hélio de luxe, numérotés de 1 à 350
- 50 exemplaires hors commerce sur hélio de luxe, numérotés de H.C. 1 à H.C. 50
- 2 exemplaires hors commerce sur Japon de Rives.
Soit 427 exemplaires.
Cet exemplaire est le n° 223.
L'éditeur n'apparaît que sur la couverture. La date est indiquée en fin d'ouvrage dans l'achevé d'imprimer.
La chemise cartonnée de certains exemplaires est fermée par un lien. Ce n'est pas le cas de celui-ci.
Le dessin de Jean Boullet n'avait pas encore ce trait précis et très marqué qui le caractérisera par la suite. Le choix du crayon de charbon donne plus de flou, plus d'aérien au dessin.
J'ai sélectionné 8 dessins parmi les 33 (pour agrandir l'image, cliquez dessus) :
A mon goût, le plus érotique et le plus évocateur :
Dans son catalogue, Jacques Desse reproduit un beau texte de Jean Leffard sur cet ouvrage : "C'est pour leur apprendre qu'ils appartenaient à un monde oiseau et leur révéler l'Orient dont ils étaient les anges que Boullet a crayonné de merveilleuses histoires qui se jouent aux portes du ciel… Tout Jean Boullet est déjà dans ces quelques dessins, langueur des gestes et des attitudes, recherche du charmant ou du cruel, étonnante facilité"
Didier Chollet, Jean Boullet le précurseur, p. 17, consacre quelques mots à ce premier ouvrage, reprenant les informations du texte introductif. Pour échapper au STO, Jean Boullet séjourna dans une clinique psychiatrique à Suresnes. C'est lors de cette période de convalescence qu'il dessina les planches de cet ouvrage pour lesquelles auraient posé 3 enfants kabyles, dans le sous-sol d'une mosquée, sous le regard bienveillant de la mère. En revanche, Didier Chollet n'explique pas comment un jeune homme de 23 ans a pu se faire éditer par Flammarion et obtenir l'appui de Jan Cocteau. Dès cet âge-là, il paraissait bien lancé dans le monde gay de l'Occupation, croisant probablement Jean Cocteau à cette occasion. La biographie de Jean Cocteau par Claude Arnaud n'en parle pas.
Le prologue de Jean Cocteau est reproduit en fac-similé :
Autre personnalité de ce monde du gay Paris de l'Occupation, François Sentein a croisé Jean Boullet et rapporte ces anecdotes sur cet ouvrage dans son journal : Minutes d'une autre année (1945), (pp. 141-143)
"? octobre. [1945] - Après-midi avec Jean Boullet à Suresnes, au bord de la Seine, dans le parc de la maison de santé où il est arrivé à se faire transférer de la Santé. De là il continue à mener ses affaires, comme, de leur cellule de prison, les gangsterrereurs d 'Amérique. C'est sa pension Belhomme.
Par exemple, il a dirigé l'édition en feuilles volantes, serrées dans un cartonnage noué d'un cordonnet, des dessins de Tapis volants, présentés par un texte de notre bon Cocteau, à savoir : épais comme le petit doigt de poses – chacune à peine différente des autres – en déguisement turquois où l'on reconnaîtrait, n'était la facilité sommaire du trait, un même modèle adolescent : Daniel Filipacchi. [...]
Toujours est-il que le recueil des esquisses a été distribué, avec trop d'empressement, avant qu'en eussent été numérotés les exemplaires. Notre prisonnier aussitôt de dépêcher sa mère à faire le commis de la quincaillerie familiale passer, muni des marqueurs et du tampon encreur, chez tous les détenteurs de l'ouvrage – dont j'étais – pour rattraper la précipitation."
On peut penser que l'identification du modèle par Sentein est vraie, car je ne vois pas l'intérêt d'inventer une telle histoire. Certes, c'est moins poétique que les trois adolescents à la saveur orientale dont il parle dans sa préface (notice sur Daniel Filippacchi).
Il n'existe qu'un seul exemplaire dans les bibliothèques publiques, dans le fonds Cocteau de la Bibliothèque universitaire de Montpellier (Lettres). C'est un des deux exemplaires hors commerce sur Japon. Il s'agit probablement de l'exemplaire personnel de Jean Cocteau. Ce fonds a été constitué à partir du don d'Edouard Dermit, légataire universel du poète (voir Fonds Cocteau).
Description de l'ouvrage
Jean Boullet
Tapis volant
33 dessins sur un thème personnel avec un prologue de Jean Cocteau
[Paris], Flammarion, [1945], in-8° oblong (210 x 270 mm), [7] ff. + [33] planches., sous une chemise de titre et une chemise cartonnée à dos toilé.
L'ouvrage contient :
- Chemise de titre avec la justification au recto
- Fac-similé du prologue de Cocteau (f. [1]), suivi du même texte de Cocteau (f. [2])
- Page d'intertitre : Eclaircissements sur un thème personnel (f. [3])
- Texte introductif (ff. [4-7]), datée de Paris, juin 1944.
- 33 planches de dessins.
Les feuillets et les planches ne sont imprimées qu'au recto.
Justification :
- 25 exemplaires sur Japon de Rives, avec un dessin original, numérotés de I à XXV
- 350 exemplaires sur hélio de luxe, numérotés de 1 à 350
- 50 exemplaires hors commerce sur hélio de luxe, numérotés de H.C. 1 à H.C. 50
- 2 exemplaires hors commerce sur Japon de Rives.
Soit 427 exemplaires.
Cet exemplaire est le n° 223.
L'éditeur n'apparaît que sur la couverture. La date est indiquée en fin d'ouvrage dans l'achevé d'imprimer.
La chemise cartonnée de certains exemplaires est fermée par un lien. Ce n'est pas le cas de celui-ci.
1 commentaire:
Ces dessins sont extraordinaires. Fluides, rapides, justes. tant de grâce en si peu de traits. Merci.
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