samedi 18 avril 2009

"L'Ecole des Garçons", de Marcel Jouhandeau, 1953

Roman épistolaire sur l'amour entre Marcel Jouhandeau et Robert C.



Robert Coquet, militaire, clarinettiste dans l'orchestre du Train, né à Troyes en 1928, rencontre Marcel Jouhandeau et Elise dans le train d'Avignon en avril 1948. Commence alors une histoire d'amour entre cet homme de 60 ans et ce jeune homme de 20 ans. De l'aveu de Marcel Jouhandeau, ce fut sa plus grande passion. Avec des hauts et des bas, cet amour dura une dizaine d'années. Il inspira deux livres à Marcel Jouhandeau : L'Ecole des Garçons, paru en 1953 et Du Pur Amour, en 1955.


Dans son envoi à la BNF, Marcel Jouhandeau présente son ouvrage : "ce livre dont je ne suis pas l'auteur, mais l'âme". En effet, il s'agit d'un recueil de lettres de "Robert à Marcel" et de "Henri à Marcel", écrites par Robert Coquet et Henri Rode à Marcel Jouhandeau entre le 10 avril 1948 et le 8 juillet 1950. Henri Rode (1917-2004) est un personnage un peu trouble, intrigant, qui s'introduisit dans la vie de Marcel Jouhandeau et Elise à cette même époque. D'aucuns affirment qu'il est l'auteur des lettres de Robert, laissant croire à Jouhandeau que son amant se cultive et s'améliore à son contact, comme le dit la préface : "le véritable intérêt du livre, c'est qu'il permet de suivre page à page les progrès du style de Robert et de constater qu'ils sont parallèles à ceux du sentiment". Marcel Jouhandeau était-il dupe ? Il cantonne Henri Rode au "rôle du récitant ou de l'historien dans un oratorio".

Ce livre, au charme un peu suranné, n'a pas la puissance des autres ouvrages de Marcel Jouhandeau consacrés à l'homosexualité, terme qu'il n'utilisait pas. Par certains aspects, il ressemble plus à un exercice de style qu'à un vrai roman d'amour. Marcel Jouhandeau, dont la prose est totalement absente de cet ouvrage, laisse deviner sa passion pour Robert par l'écho que l'on en trouve, comme en creux, dans les lettres de Robert et Henri.

Quelques références bibliographiques :
- Marcel Jouhandeau, son œuvre et ses personnages, d'Henri Rode : pp. 56-58.
- Marcel Jouhandeau, Le diable de Chaminadour, de Jacques Roussillat : pp. 280-282, sur l'amour de Jouhandeau pour Robert C. et pp. 285-286, sur L'Ecole des Garçons.
Une page d'hommage à Henri Rode : www.didiermansuy.com/hommage.php et des extraits d'un "Roman Jouhandeau" de Didier Mansuy, non publié, sur le trio Marcel Jouhandeau, Henri Rode et Robert Coquet : www.didiermansuy.com/futur.php. Le premier chapitre donne des renseignements intéressants sur la rencontre entre Marcel Jouhandeau, Henri Rode, puis Robert Coquet.


Description de l'ouvrage et de l'exemplaire :

L'Ecole des Garçons

Paris, Marcel Sautier, 1953, in-12 (170 x 110 mm), 322-[3] pp.

Tirage : 605 exemplaires :
- 50 exemplaires sur Japon M. S. J numérotés de 1 à 50
- 500 exemplaires sur Hollande Pannekoek numérotés de 51 à 550
- 5 exemplaires hors commerce sur Japon M. S. J numérotés I à V
- 50 exemplaires hors commerce sur Hollande Pannekoek numérotés de VI à LV


Cet exemplaire est nominatif, imprimé pour le Colonel Daniel Sickles, sur Japon, sans numéro. Il contient un envoi de Marcel Jouhandeau au faux titre :


Le colonel Daniel Sickles (1900-1988), d'origine américaine, est un bibliophile français qui a rassemblé une collection incomparable consacrée à la littérature française des XIXe et XXe siècles. La dispersion de cette collection a nécessité 21 ventes aux enchères, de 1989 à 1997, réunissant 10 360 ouvrages. Nous ne savons pas si cet exemplaire a fait partie de l'une de ces ventes.

La BNF possède deux exemplaires :
- Ex. n° 91 sur hollande. Envoi autographe signé de l'auteur à la Bibliothèque nationale, daté du 17 nov. 1955 (RES 16-LN27-85866)
- Ex. n° 43. Joint : photographie représentant Henri Rode et Robert C. Prov. : Pierre-André Benoit (don) (RES 8-Z PAB JOUHANDEAU-217)


L'ouvrage de Jacques Roussillat sur Marcel Jouhandeau a le mérite d'être la seule biographie existante. Elle est particulièrement bien documentée.



Il faut malheureusement dire que l'homosexualité de Marcel Jouhandeau semble mettre mal à l'aise notre biographe. Comme il faut bien traiter ce sujet, il lui consacre un chapitre :
XII Jouhandeau et les garçons (pp. 273-290). Les premières phrases disent déjà les réticences de l'auteur : "L'homosexualité de Jouhandeau doit être abordée. Pourquoi ? Mais parce qu'il en parle ouvertement dans ses livres à partir de 1939. Trop." . Le ton est donné. La suite est à l'avenant. Les lieux communs abondent : "Jouhandeau, comme la grande majorité des homosexuels, a un appétit hors du commun". "De l'importance du phallus chez l'homosexuel", etc. etc. Moi qui est découvert Jouhandeau par ses écrits secrets et qui considère que Tirésias est un des plus beaux livres sur l'amour homosexuel, j'ai été choqué par ces jugements condescendants :
Sur
Tirésias : "On peut comprendre que des homosexuels apprécient. Il est des homosexuels que ces textes lassent".
Après avoir parlé des
Ecrits secrets, réédités par Arlea, il poursuit par : "Revenons au bon goût" (sic, comme l'on dit lorsque on n'en croit pas ses yeux devant tant de bêtise).

1 commentaire:

Anonyme a dit…

L homosexualité à toujours intrigue les humains qu'ils soient impliqués ou spectateurs.

Dualité de intelligence. Délicatesse des sentiments troubles face à linconvenu orchestré.