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samedi 21 octobre 2023

Glane : Leonor Fini

Je reprends la tradition des « glanes » que j'avais un peu délaissée ces derniers temps. C'est ce beau portrait de Leonor Fini qui m'a donné l'envie de partager cette découverte.

Portrait d'Antonio Ruiz Soler, 1950 

J'aime l'œuvre de Leonor Fini et j'aime ses portraits, toujours un peu raides, presque un peu gauches, qui savent admirablement rendre toutes les ambiguïtés des personnalités (je pense en particulier au beau portrait de Jean Genet). Elle sait faire surgir la part de douceur, de fragilité, je dirais même de tendresse, que l'on peut déceler dans un visage comme celui-ci. C'est une œuvre à redécouvrir. Quelques dessins d'elle sont montrés à Beaubourg, dans l'exposition Over the Rainbow. Ils illustrent La Galère, de Jean Genet. Je les avais présentés sur ce site : La Galère.  (Autre article sur la plaquette de Jean Genet : Lettre à Leonor Fini).

Sur Antonio Ruiz Soler, je reprends la notice du catalogue de vente :

Antonio Ruiz Soler est l’un des danseurs les plus réputés du XXe siècle, mêlant tous les courants de la danse ibérique. Enfant prodige, il entame rapidement des tournées en Europe et Amérique latine avec sa partenaire Rosario dont il se sépare en 1952 pour entamer une carrière solo. Ce portrait par Léonor Fini est un rare témoignage de sa présence en France. Il illustre la première de couverture du livret du Ballet Espagnol au théâtre de l’Empire. Fini est en effet très proche du milieu du spectacle, pour lequel elle livre des dessins de costumes. 

dimanche 26 juillet 2015

Lettre à Leonor Fini, Jean Genet, 1950

Pendant quelques années, il y a eu une relation spéciale entre Jean Genet et Leonor Fini. En 1947, ils collaborent. Elle illustre son poème Galère de 6 dessins. J'ai décrit un exemplaire de cet ouvrage sur ce site (La Galère, de Jean Genet, 1947). En 1950, chez le même libraire qui les avait publiés en 1947, Jacques Loyau, paraît une Lettre à Leonor Fini, un texte d'analyse de son œuvre par Jean Genet, illustré de 8 reproductions de tableaux de Leonor Fini. La première reproduction est un portrait de Jean Genet : 


Dans ce texte foisonnant, le premier qu'il consacre à un artiste, on sent bien que Jean Genet parle autant de l’œuvre de Leonor Fini que de la sienne propre. Avant d'extraire quelques passages qui m'ont semblé éclairer son propos, je note que cette réflexion est toute cérébrale. Je veux dire par là que l'on n'y sent pas le souffle d'une émotion esthétique devant les tableaux de Leonor Fini. C'est peut-être aussi la limite de ce texte, plus baroque et lyrique que chaleureux et inspiré.

Vous êtes la noce de la plante et de la bête.

Mais ce qui domine surtout - la parfum majeur que j'ai reconnu - c'est celui de la mort. Le choix des couleurs, l'inquiétude des scènes, la rencontre d'un coquillage avec un miroir, le plis des tentures, vos masques, tout, dans votre travail, témoigne d'un intime théâtre macabre.

L'époque que vous vivez, c'est la Renaissance, je veux dire que vous illustrez un thème qui, historiquement se nomme Renaissance Italienne. Le faste de cette époque est celui même de votre œuvre, voluptueuse et saupoudrée d'arsenic. Vos dames allongées dans l'alcôve, leurs garçons élégants sont emprisonnés, sont atteints d'une peste venue de la plus haute antiquité.

Ainsi, au dernier terme de votre travail, vous vous préoccupez du monde reprouvé où le silence a la puissance d'une nécessité esthétique. Peut-être est-ce lui qui vous permettra de rejoindre le malheur plus terrestre, plus "humain", plus charnel. Si, jusqu'à ces jours derniers vous avez, à la plus fine des cires donné une vie solennelle, peut-être allez-vous accorder le malheur et la vie à la plus infâme tourbe.

Sans doute trouverez-vous que j'ai vivement élu ce qui m'est proprement familier, et que c'est d'abord mon travers que j'exalte. Mais me passionnerais-je autant pour une œuvre si je n'avais découvert en elle et dès sa formation non ce vers quoi je m'achemine - et qui n'appartiendra qu'à moi - mais ces mêmes éléments désespérés épars à travers des fastes mortuaires ?

Cet exemplaire s'enrichit, au verso de la couverture, d'un envoi de Jean Genet. On ne sait pas quel est le destinataire. La lecture du texte en est incertaine : "J'exprime un art, puisse un jour en illustrer un autre, Jean Genet, H-51"


Pour illustrer le propos de Jean Genet, la plaquette contient la reproduction en noir et blanc de 8 tableaux de Leonor Fini. Le premier est le portrait de Jean Genet  qui introduit ce message. Les 7 autres sont :

Sphinx philagria

Espagne

La fille au corsage velu

Sphinx ermite

Bagnard

La fille du maçon

Antonio

Description de l'ouvrage
 

Jean Genet
Lettre à Leonor Fini
Paris, Loyau, 1950, in-8° (218 x 146 mm), [32] pp., 8 planches photographiques en noir et blanc.


L'ouvrage se compose de :
- Faux titre (p. [1])
- Titre (p. [3])
- Texte, signé en fin "Jean Genet" (pp. [5-13])
- 8 planches photographiques en noir et blanc, reproduisant des tableaux de Leonor Fini, sur la page de droite, avec le titre en regard sur la page de gauche (pp. [ 14-29]. Ce sont les planches reproduites ci-dessus.
- Achevé d'imprimer et justification (p. [31]) :

Cet exemplaire est le n° 89. Toutes les autres mentions que j'ai trouvées signalent 800 exemplaires, toujours avec une justification manuscrite. Seul celui-ci apparaît avec le chiffre de 1000. S'agit-il d'une erreur ?

Dans les bibliothèques publiques en France, il n'y a que 6 exemplaires (source CCFr) :
BNF : 8-V PIECE-31512 et RES 8-Z PAB BIBL-417 (don Pierre-André Benoît)
LYON- BM, fonds Chomarat : B 1686 (n° 718, ayant appartenu à Michael Josselson)
PARIS - BIB.LITTERAIRE J.DOUCET : 57040 (ex. n° 241, don Bronia Clair)
PARIS - Centre Georges Pompidou
STRASBOURG-BU Arts : T FINI 1

Ce texte a été repris dans :
Fragments... et autres textes, Gallimard, 1990, avec une préface d'Edmund White.
Les autres textes sont :
'adame Miroir (1948)
Jean Cocteau (1950)
Fragments...(1954)
Lettre à Jean-Jacques Pauvert (1954)

dimanche 28 juin 2015

Glanes

Léonor Fini : Portrait de jeune homme.

Barthélémy Blaise (1738 - 1819) : Jeune Berger ou Adonis, 1785

La notice du catalogue dit : 
"École française XIXe siècle. Jeune pêcheur napolitain."

École VENITIENNE vers 1640, entourage de Nicolas REGNIER :
David et la tête de Goliath

Charles Kvapil ( 1884-1958 ) : Fin de journée, 1949

jeudi 26 mai 2011

La Galère, de Jean Genet, 1947

Le condamné à mort est le plus célèbre des poèmes de Jean Genet. J'en ai déjà parlé sur ce blog. Nous savons qu'il célébrait l'assassin Maurice Pilorge (voir ici). Poursuivant dans cette voie, Jean Genet composa vers 1943 un autre poème à la gloire de l'assassin Harcamone, assassin imaginaire qui est aussi le héros du Miracle de la Rose.

Le poème est d'un abord plus difficile que Le condamné à mort. Il est même souvent obscur. Ces deux strophes, probablement parmi les plus accessibles, l'illustrent :

Fais un geste Harcamone allonge un peu ton bras
Montre-moi ce chemin par où tu t'enfuiras
Mais tu dors si tu meurs et rejoins cette folle
Où libres de leurs fers les galériens s'envolent.
Ils regagnent des ports titubants de vins chauds
Des prison comme moi de merveilleux cachots.

Le poème est d'abord publié en avril 1945 par Thierry Maulnier dans les Cahiers de la Table ronde.

La première édition est donnée en 1947 par le libraire Jacques Loyau, de Paris, dans un tirage confidentiel (88 exemplaires), avec 6 gravures de Leonor Fini. C'est cette édition que je présente aujourd'hui.

Leonor Fini est une artiste peintre d'origine italienne, au parcours très personnel. Avec Jean Genet, ils se rencontrent probablement vers 1947. Cette publication est leur première collaboration. Quelques années plus tard, Jean Genet lui consacre un ouvrage : Lettre à Leonor Fini, texte d'hommage, qui a aussi été publié par Jacques Loyau. Ils se brouillent ensuite.

Les 6 gravures qui illustrent La galère :







En voyant ces gravures, on pense inévitablement à ce qu'a déclaré Leonor Fini : "Je suis pour un monde de sexes non différenciés, ou peu différenciés".

Elle vécut longtemps avec deux hommes à la sexualité "ambiguë". Dans ce tableau, on la voit entourée par eux :


D'une façon plus classique, elle a peint Jean Genet plusieurs fois à cette époque, comme dans ce tableau :


Un site est entièrement consacré à Leonor Fini : cliquez-ici et une bonne synthèse sur Wikipédia : cliquez-ici.

Pour revenir à Jean Genet et son poème, il a lui-même donné une explication sur l'obscurité de cette œuvre : "Vers ce temps-là, j'avais écrit deux poèmes sans qu'ils aient de rapport l'un avec l'autre. Je les ai mélangés, pensant donner plus d'obscurité, plus de densité à mes vers." En rapportant ces propos dans son Saint-Genet, Sartre ajoute : "Le poème est obscur. [...] Genet [...] a recours à la ruse la plus puérile et la plus démoniaque".

Cela n'empêche pas qu'il comparaisse le 8 juillet 1954 devant un tribunal parisien sous l'inculpation d'attentat aux mœurs et de pornographie pour son poème "La Galère" et pour Querelle de Brest. Le tribunal statue en janvier 1956 que ces œuvres sont "attentatoires aux bonnes mœurs". Il est condamné à 8 mois de prison avec sursis et 100 000 francs d'amende. Selon E. White, "ce qui avait sans doute essentiellement choqué la cour, c'étaient les illustrations de Leonor Fini, pour "La galère" et surtout de Cocteau pour Querelle de Brest."


Description de l'ouvrage


Jean Genet
La Galère
S.l.n.n. (Paris, Jacques Loyau, libraire), 1947, in-folio (322 x 234 mm), [16] ff., 6 ff. de planches.

Les 16 feuillets non chiffrés de décomposent ainsi :
- [3] ff. blanc
- Faux titre
- Titre
- [8] ff. : poème "La Galère"
- Achevé d'imprimer et justification
- [2] ff. blanc

Les 6 planches reproduisent des dessins de Léonor Fini.

Achevé d'imprimer :
"Edition établie par Jacques Loyau, libraire, passage des Panoramas, Paris et imprimée sur les presses de l'hôtel de Sagonne, en juillet 1947, aux frais de l'auteur."

Justification
- 80 exemplaires numérotés à la presse, dont les 9 premiers sur vergé de Montval
- 8 exemplaires de présent
Cet exemplaire est le n° 13.


Cet exemplaire a été magnifiquement relié dans les années 1970 par Gilbert Bontaz, relieur grenoblois. Les plats mosaïqués sont ornés de deux compositions d'un artiste non identifié. Les dessins préparatoires ont été ajoutés à l'exemplaire.