dimanche 23 juin 2019

Joyeux polissons

Il ne vous reste plus que quelques jours pour voir l'exposition d'images érotiques homosexuelles : 

Joyeux polissons. Photographies homoérotiques clandestines. 1860-1930.

qui se tient à la galerie Au Bonheur du Jour, jusqu'au 29 juin.

Comme toutes les expositions organisées par Nicole Canet, elle s'accompagne d'un beau livre qui reprend toutes les photographies exposées :



Si je ne devais retenir que quelques images, ce seraient ces deux très belles et très rares photographies de Vincenzo Galdi :



Ainsi que la curieuse mise en scène de ces deux jeunes gens, ceux que l'on retrouve aussi en couverture. Cette carte catalogue permettait aux amateurs de choisir les photographies qui leur plaisaient.




Ce qui m'a frappé dans ces photos est  que les corps des hommes sont "natures", c'est-à-dire sans recherches d'une beauté plastique particulière, voire, pour certains, avec leurs défauts physiques, leurs avachissements, leurs lourdeurs. Nous sommes bien loin de l'impératif de perfection physique du porno gay, perfection qui s'entend plus comme le respect de standards que comme de la perfection à proprement parler. L'autre remarque qui m'est venue à la vue de ces photos est que l'éjaculation et le sperme, autres figures imposées du porno, sont complétement absents.

Informations sur l'exposition : cliquez-ici.

Pour acheter le livre : cliquez-ici. Il se trouve aussi aux Mots à la bouche.

dimanche 9 juin 2019

Jésus-la-Caille, illustré par Auguste Brouet, 1925

Je poursuis mes découvertes des éditions illustrées de Jésus-la-Caille, de Francis Carco dont j'avais tenté une recension dans ce message : cliquez-ici, message qui contient aussi une notice bibliographique de l'ouvrage. Ma dernière trouvaille est une édition de 1925 contenant 30 eaux-fortes d'Auguste Brouet, dont 10 à pleine page, 18 dans le texte (vignettes de tête ou de fin de chapitre), une sur la couverture et une sur le titre.

Auguste Brouet (1872-1941) est un graveur spécialisé dans l'eau-forte. Il était bien choisi pour illustrer Jésus-la-Caille car il s'était consacré à représenter le Paris des petites gens et des quartiers populaires, plus particulièrement Montmartre. Il habitait 4 rue Camille-Tahan, dans le 18e arrondissement de Paris, une impasse qui se termine au mur du cimetière Montmartre à quelques encablures du boulevard de Clichy.

Cette édition est le fruit de la coopération entre un éditeur-imprimeur, Gaston Boutitie, qui publiait certains de ses livres sous le nom des Éditions de l'Estampe, et Auguste Brouet. Ensemble, ils ont publié La Bièvre et Saint-Séverin, de Joris Karl Huysmans, en 1924, cet ouvrage, puis, en 1927, L'Ex-Voto, de Lucie Delarue-Mardrus. Probablement pour renforcer le côté montmartrois de l'ouvrage, ils ont choisi de faire figurer l'adresse du 4 rue Camille-Tahan, plutôt que le quai de Jemmapes, où se situait le siège des éditions et de l'imprimerie. Avant leur collaboration, Gaston Boutitie a publié un catalogue de l'œuvre d'Auguste Brouet (Catalogue de l'œuvre gravé d'Auguste Brouet d'après la collection Bonabeau, précédé d'une étude de Gustave Geffroy, Paris 1923).


Jésus-la-Caille, imaginé et dessiné par Auguste Brouet (eau-forte).

Tirage de l'eau-forte sur papier vélin.
État intermédiaire de l'eau-forte.

Comme beaucoup d'illustrés de cette époque, on trouve des exemplaires avec plusieurs états des gravures, soit en termes de finition, soit en termes de papier d'impression. Sur la base d'un même dessin, on a ainsi trois états de l'eau-forte, libre à chacun de choisir celui qui lui plaît.

Cette autre gravure extraite de l'ouvrage illustre le style de Brouet, que certains ont comparé à Rembrandt. Cette eau-forte d'une scène de rue parisienne est un beau témoignage de son art pour rendre l'atmosphère de Paris, de ses immeubles et de ses commerces, à une époque où la rue appartenait encore aux habitants.


L'exemplaire qui a rejoint ma bibliothèque contient aussi trois Planches non utilisées, dont une est, comme on le dit, assez libre. Autrement dit, c'est une gravure érotique, même si elle reste dans les limites de la décence, me semble-t-il.


Sur Auguste Brouet, il existe un site très documenté qui contient, entre autres, une biographie et un catalogue illustré de son œuvre. On peut y admirer toutes les scènes parisiennes qu'il a croquées : www.auguste-brouet.org

Description de l'ouvrage

Page de titre, avec une eau-forte représentant une presse à imprimer.

Francis Carco
Jésus-la-Caille, Illustré de gravures originales par Auguste Brouet
Paris, Aux Éditions de l'Estampe, 1925, in-8° (256 x 195 mm), [8]-221-[17] pp., 20 eaux-fortes dans le texte (12 vignettes : couverture, titre et 10 têtes de chapitre, 8 culs-de-lampe) et 10 eaux-fortes en pleine page dans le texte.

Couverture avec une eau-forte représentant le moulin de la Galette, paysage montmartrois par excellence.

L'achevé d'imprimer précise :
Cette édition de Jésus- la-Caille a été tirée à 252 exemplaires numérotés : 1 à 12 sur papier du Japon avec une suite hors texte sur Japon des gravures et des états ; de 13 à 62 sur papier Madagascar avec une suite hors texte sur vélin des gravures et des états ; de 63 à 252 sur papier vélin d'arches avec une suite hors texte des gravures sur vélin ; plus 20 exemplaires hors commerce numérotés I à XX et 20 suites hors texte sur Japon des gravures et des états. Elle a été achevée d'imprimer le 20 août 1925, par G. Boutitie & C°, pour la typographie et par A. et M. Vernant, pour les gravures.
Le tirage total est donc de 272 exemplaires. Je viens d'acquérir le n° 51 des exemplaires sur papier Madagascar, avec une suite hors texte sur vélin des gravures et des états. Il contient un dessin original d'Auguste Brouet et un envoi de Francis Carco, qui l'a agrémenté d'un petit autoportrait.


André Lindé, le premier propriétaire de cet exemplaire, était un industriel (tannerie) de Limoges, membre du Cercle Parisien du Livre. Il a fait relier son exemplaire par Henri Blanchetière (1881-1933), un des relieurs les plus renommés de cette époque. Il a couvert ce livre d'une belle reliure art déco, dont le riche décor des plats donne une idée :

Plat de la reliure signée H. Blanchetière.

Cette reliure a été présentée au Salon du Livre d'Art, du Petit-Palais, en 1931, comme l'atteste une note signée par Blanchetière jointe à l'exemplaire.