jeudi 20 septembre 2018

Gaston Goor, à la galerie "Au Bonheur du Jour"

C'est avec plaisir que je relaie l'annonce de la nouvelle exposition de Nicole Canet en sa galerie "Au Bonheur du Jour".



La Galerie Au Bonheur du Jour présente une nouvelle exposition du grand peintre illustrateur, décorateur et sculpteur Gaston Goor (1902-1977), peu connu du grand public mais qui fit de nombreuses œuvres très inspirées de la Renaissance italienne.
Il réalisa des décorations dans divers lieux : l’usine des montres Lip à Besançon, la Maison Jansen, rue Royale à Paris, des projets de maquette pour la mythique montre suisse Cyma Tavannes. Il rencontra le maréchal Lyautey au Maroc qui lui commanda des dessins pour l‘Exposition coloniale de 1937. Il eut beaucoup de demandes pour de grands décors dans des villas, des restaurants, des sujets religieux dans des églises. Il réalisa, entre autres, la sculpture d’un sphinx pour l’héroïne de la Belle et la Bête, Josette Day.
Et bien sûr, pour son plaisir, il dessine des corps de garçons parfois dans de magnifiques paysages méditerranéens, d’autres s’amusant entre eux allégrement avec toute la fraîcheur des adolescents à l’érotisme presque naïf des corps baignés par la mer et le soleil, dans le goût du peintre Henry Scott Tuke, en passant par le joyau que sont les pastels pour Musa Païdike (la muse garçonnière), qu’il réalisa vers 1950.
La belle découverte sera deux grands panneaux décoratifs peints par Goor, recouvrant des portes, l’une représentant Apollon et Hyacinthe et l’autre Diane Chasseresse, deux merveilles qui se trouvaient dans l’appartement de Goor et de son dernier ami.
Une cinquantaine d’œuvres seront présentées dans cette exposition, suscitant émotion et beauté.
D’autres surprises vous attendent dans un petit boudoir aménagé en cabinet de curiosités, pour des coups de cœur inattendus.

mercredi 12 septembre 2018

Le bel âge, André du Dognon, 1958

André du Dognon est un écrivain mineur de la culture homosexuelle, mais il est la preuve que l'on pouvait écrire et publier des textes sur l'amour des hommes dans les années 1950. Paru en 1958, ce livre ferme la trilogie des Amours buissonnières, dont le premier ouvrage a paru en 1948. La lecture du Bel Age - je ne connais pas les deux autres ouvrages - m'a convaincu qu'André du Dognon ne risquait pas de choquer les bonnes âmes de l'époque tant pas sa prudence dans la description des sentiments amoureux, que par son évocation très allusive des scènes d'amour physique. Quant à une réflexion sur la dimension morale, voire politique, de l’homosexualité, ce n'était guère le moment. C'était probablement le prix à payer pour être édité et ne pas être interdit. Tout le monde ne peut pas être Eric Jourdan.

Cet ouvrage a été publié par les Éditions du Scorpion, fondées par Jean d'Halluin, une maison d'édition innovante et favorable aux jeunes talents. Rappelons que leur coup d'éclat a été la publication du premier livre de Boris Vian, sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, J'irai craché sur vos tombes.


Le dessin de couverture est signé par Jean Boullet. L'éditeur avait déjà fait appel à lui pour illustrer le livre de Boris Vian. André du Dognon le connaissait sûrement et l'avait croisé à Arcadie. Jean Boullet nous donne ici une de ses images presque archétypales de la beauté masculine comme il les affectionnait. 

Pour vous faire découvrir cet auteur, j'ai choisi ces deux extraits, qui nous donnent une idée de son style. On voit aussi les limites que l'auteur s'est imposé pour rester dans les bornes de la décence et peut-être du bon ton.
Cette phrase : « les canards sont toujours là » avait pour moi une signification particulière. Jimmy me l'avait dictée en me disant qu'elle avait un sens caché. Elle voulait dire: « Tu peux venir à Chanage, il y a un garçon pour toi! ». Cette révélation m'avait empli le coeur d'une douce émotion en même temps que d'une certaine crainte car Jimmy avait ajouté que Ralph Tenceville exigeait ce que j'appelais alors le sacrifice supérieur, le don suprême auquel je ne m'habituai que par la suite et que ce sacrifice, étant donné que la nature n'avait pas été ladre avec lui, n'était pas sans inconvénients. J'en étais malade rien que d'y penser, un peu comme une jeune vierge qui est attirée par la virilité autant qu'elle la redoute.


Quand je reçois mes visites, Nouar passe et repasse selon les besoins de son service et me jette des regards furtifs. Le sous-officier de qui il faisait la chambre avec beaucoup de soin fermait les yeux quand il parvenait à m'y attirer. De silencieuses caresses me liaient à ce grand corps brun qui, un jour, rentra malade alors qu'il était allé au bordel. D'abord, il avait paru m'éviter pour simuler une simple fâcherie et il avait réussi à piquer ma curiosité, puis je fus instruit de son état par un autre infirmier et quand je montrai à Nouar que je savais le secret de sa froideur, il rougit sous son hâle, ne sut plus où se cacher et, de loin, surveillait les allées et venues des autres infirmiers quand ils m'appelaient.
Comme je me sens bien quand j'ai trouvé ma place dans le plaisir d'un plus fort ! Comme je me sens, alors, en règle avec l'humanité !
« Vous aimez le péché... », m'écrivait mon confesseur dans sa dernière lettre, et maman, à
qui je l'avais donnée à lire, soulignait cette phrase à mi-voix. J'aime si peu le péché que je ne fais l'amour qu'avec des gens qui ne pensent pas.
C'est un auteur aujourd'hui bien oublié, coincé, si j'ose dire, entre les grandes figures contemporaines, comme Gide ou Genet, et la nouvelle génération des années 1970. Je reproduit la notice de Didier Eribon dans le Dictionnaire des cultures Gays et Lesbiennes, qui est, à ma connaissance, la seule synthèse existante sur sa vie. On trouve des informations similaires dans le livre de Julian Jackson sur l'histoire d'Arcadie.
Du Dognon André
André Du Dognon de Pomerait
Écrivain français (Nancy, 1910 - Paris, 1986)
Figure, avec son ami Jacques de Ricaumont, du Paris gay mondain des années 1950 et 1960, André Du Dognon fait partie, avec lui, du groupe qui soutient en 1954 la fondation d'Arcadie par André Baudry (il signe un article dans le premier numéro de la revue). Publié en 1948, son roman les Amours buissonnières peint la vie gay des années 1930 à Montmartre et le mélange des classes qui s'y opérait. Le personnage principal, aristocrate de vingt-quatre ans, efféminé et maquillé, vit une relation amoureuse avec un ancien marin qui se prostitue après avoir fait de la prison pour insubordination. À la fin de l'ouvrage, la jeune « beauté d'azur» (terme employé ici pour désigner les homosexuels masculins) tente de se suicider, car son amant, qui est «normal», est attiré par une femme. Le jeune homme survit pourtant et on le retrouve dans le Monde inversé (1949), qui décrit cette fois les milieux gays privilégiés sous l'Occupation, où l'envie de coucher avec des soldats allemands l'emportait largement sur les sentiments patriotiques. Un troisième volet, le Bel Âge, clôt, en 1958, la série des Amours buissonnières. En 1950, Du Dognon fait publier et préface le récit de Philippe Monceau le Dernier Sabbat de Maurice Sachs, dont la fin, sur la mort de Sachs, sera contestée par d'autres témoignages. Il est également l'auteur de Peyrefitte démaquillé (1976), biographie plutôt acerbe de l'auteur des Amitiés particulières, dans laquelle on trouve de nombreux renseignements sur l'histoire gay du XXe siècle.
Malgré mes recherches sur Internet ou dans ma documentation, je n'ai pas trouvé de photo d'Anré du Dognon. Je reproduis donc l'image de fort mauvaise qualité qui est en 4e de couverture :


Jacques Ars se montre beaucoup plus enthousiaste que moi, mais c'est à propos d'un livre d'André du Dognon que je ne connais pas, L'Homme-orchestre. Je vous renvoie vers sa bibliographie : cliquez-ici.